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Géopolitique

Vers une entreprise génocidaire ?

Les Ouïghours sont turcophones, musulmans et historiquement liés, dans les mouvements de l’histoire, à l’empire Mongol (fondé au XIIe siècle par Gengis Khan). Près de 25 millions de Ouïghours peuplent le monde dont 12 millions en Chine. Que vivent-ils actuellement ?

Elisa Garnier

L’empire des Ouïghours a par le passé été très vaste, spécialement autour du VIIIe siècle, lorsque sa puissance était à son apogée. Il s’est allié avec les chinois contre les guerriers des royaumes turcs et mongols. En 1840, les Ouïghours, affaiblis depuis plusieurs années, sont vaincus par des barbares qui ont annexé leur territoire, ce qui oblige le peuple à s’installer plus à l’Ouest, dans l’actuel Xinjiang, au nord-est de la Chine.

Depuis 1949, l’entente entre les chinois et les Ouïghours s’est dégradée. Le gouvernement n’apprécie guère ce peuple, éloigné de la pensée chinoise. De plus, le Xinjiang est un territoire traversé par les « nouvelles routes de la soie », où s’exerce un commerce important pour la Chine. La Chine dit être effrayée par la surpopulation des Ouïghours. Elles les accusent également d’entraver le commerce.

Région du Xinjiang, Chine

Xi Jinping, élu à la tête de la Chine en 2013, n’apprécie pas les Ouïghours, qui n’ont pas les mêmes pratiques culturelles que la République populaire de Chine. Le gouvernement tente de maîtriser la région du Xinjiang en y envoyant des chinois de Pékin. Les Ouïghours se sont sentis agressés dans leur identité. Face à cette situation, le gouvernement chinois a décidé de passer à l’action. La population Ouïghour est surveillée en permanence, enfermée dans des camps de prisonniers, voire de concentration, récemment ouverts. Des femmes sont stérilisées de force. Le gouvernement chinois nie l’existence de la torture pratiquée sur de nombreux innocents. Plusieurs réfugiés ont été interviewés et ont pourtant dénoncé une forte violence exercée au sein de ces camps :

« On nous fait un lavage de cerveau et nous sommes forcés à parler et à apprendre le chinois, ainsi que de pratiquer toutes leurs coutumes »

Les Ouïghours sont les victimes d’une violence orchestrée, organisée et commanditée par l’État chinois (lequel incarne la République populaire de Chine, un régime autoritaire). De nombreux médias internationaux y font d’ailleurs référence, notamment la chaîne française France 24 qui présentent de nombreux reportages sur les violences exercées contre la communauté ouïghour.

Les dirigeants chinois cherchent à impulser un moyen de pression sur la minorité ouïghour et peut-être la faire disparaître, comme en témoigne un homme ouïghour dans une interview réalisée par Amnesty Internationale. Près de 1 000 000 d’hommes et de femmes ouïghours sont enfermés dans des « camps de rééducation », ainsi que les nomme l’État chinois. Mais ces derniers semblent plutôt s’apparenter à des camps de concentration et de travaux forcés qui maintiennent une partie du peuple Ouïghour dans des conditions de vie insoutenables, tant du point de vue hygiénique que physique (manque de nourriture) et psychologique. Les Ouïghours y sont torturés, enchaînés dans des cellules surpeuplées, piqués de substances amnésiques embuant leur cerveau et leurs pensées ; ils sont agressés en permanence. Ils sont forcés de participer à des cours d’éducation sur le parti communiste, de prêter allégeance à ce dernier et de rejeter ainsi leur appartenance à la communauté Ouïghour. On peut parler d’endoctrinement.

Pour ceux des Ouïghours qui ne sont pas enfermés dans les camps, la vie dans les quartiers est de plus en plus difficile. L’État chinois cherche à contrôler ces populations à tout moment, notamment en les surveillant, en installant dans les automobiles des micros ainsi que des puces de géolocalisation. De plus, des centres policiers et des points de contrôles se développent de plus en plus dans ces quartiers où les Ouïghour subissent régulièrement fouilles et contrôles, quasiment à chaque entrée, dans n’importe quel bâtiment, qu’il soit public ou privé. Pour avoir un écho de la vie des Ouïghours et les empêcher de maintien des traditions, des inspecteurs, appelés des « cousins » par l’État chinois, sont envoyés dans les familles ouïghours et vivent avec elles pendant plusieurs jours (dormant dans la chambre parentale, participant à tous les repas et autres occasions familiales et culturelles).

Ces discriminations pourraient s’apparenter à celles pratiquées au temps de Mao, pendant la Révolution culturelle. Cependant, le contexte semble bien différent. En 1966, Mao, à la tête du parti communiste chinois, ordonna l’élimination du peuple musulman turcophone de façon très sanglante. Aujourd’hui, les méthodes sont différentes mais toutes aussi violentes. 

Luna Sitruk et Pauline Tessier