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Chronique culturelle : le Canada et le français

Si je vous dis « Canada », que me répondez-vous ? Pour la majorité des français, la réponse se résume au Québec, ce qui est tout à fait normal. Cependant, ce pays aussi grand que les États-Unis, n’attire pas autant que ce voisin du sud. Toutefois, il existe plein de secrets que le Canada cache et notamment sa relation avec la langue de Molière, notre langue réputée pour être aussi belle que complexe dans son apprentissage. Comment les liens de la francophonie sont maintenus au Canada ? Comment les francophones s’imposent face aux anglo-saxons plus fort que jamais ? Comment le petit français arrive à s’imposer face au gros monstre anglais grâce à une toute petite partie de territoire, le Québec ?

            D’abord vous devez vous demandez d’où vient l’accent aussi étrange des québécois – étrange du point de vue d’un français. Il faut remonter dans l’histoire jusqu’en 1534, lorsque le navigateur Jacques Cartier a découvert le Québec. Ce dernier avait pour mission de faire le voyage dans ce royaume des Terres Neuves pour découvrir certaines îles ayant la réputation de renfermer une quantité exorbitante d’or et d’autres richesses encore. Résultat de sa conquête : il découvrit une mer intérieure, un pays nouveau, il fit une alliance avec des indigènes avec toujours dans un coin de sa tête, la possibilité d’un passage commercial maritime. Ce fut lors de son deuxième voyage qu’il a pu percer le secret des terres canadiennes avec la découverte du fleuve Saint-Laurent, axe permettant de relier le cœur du continent à l’Océan. Ensuite, Samuel de Champlain poursuit l’exploration du Québec surnommé la « Nouvelle France ». Ce territoire est donc aux mains des français qui acheminent vers cette région du Nord pour différentes raisons : tourisme, déménagement, commerce. À cette époque, le français des québécois et celui des français était le même : le vieux français où l’on ne prononçait pas toutes les syllabes des mots. Après une lutte sanglante de près de soixante-dix ans, les Anglo-Américain triomphe lors de la bataille des plaines d’Abraham en 1759. Les français repartent alors « la queue entre les jambes » dans leur pays en cédant naturellement le Québec aux britanniques. Les deux façons de parler le français se sont alors différenciées. Au contraire de la pensée commune, ce ne sont pas les québécois qui ont changé leur manière de parler mais bien les métropolitains. En effet, le français évolue et les habitants de la France prononcent désormais toutes les syllabes. En conclusion, le québécois n’est pas un français déformé mais un vieux français, un français historique, proche de celui parlé au XVIIe siècle. Visiblement, les québécois en sont fiers et ne veulent pas délaisser leur langue maternelle face au monstre puissant de l’anglais et également face au reste du pays, très américanisé.

            Il reste un mystère. Comment pouvez-vous expliquer que le français, parler en masse au Québec, arrive à s’imposer face à l’anglais ? Aussi étonnant que cela puisse paraître, la réponse ne se trouve pas au Canada mais bien dans le pays d’origine de la langue de Molière : la France et plus précisément ses liens avec le Québec. Vous avez tous entendu et vu Céline Dion, chanteuse à la voix incroyable et à l’accent qui fait tout son charme ! Eh bien, cette chanteuse de renommée mondiale est québecoise, tout comme son homologue Garou qui a interprété Quasimodo dans la célèbre comédie musicale Notre-Dame de Paris. La musique interprétée par les québécois a un succès fou en France et par répercussion dans les autres pays, notamment les pays anglo-saxons, souvent leur point de départ. Ces fameux chanteurs ont la chance d’avoir un enseignement biculturel : un enseignement francophone avec la mainmise de la langue français doublée de la culture imprégnée des États-Unis, soit la culture anglo-saxonne. La musique interprétée par des québécois est donc un moyen de maintien du français au Québec.

            La musique n’est pas l’unique aspect, l’unique moyen de ce maintien. Avez-vous déjà écouter la chanson « l’Air de vent » présent dans le Disney Pocahantas en version québecoise ? Autre question pour le moyen assez étonnante dans la bouche d’une parisienne : avez-vous déjà regardé Vaïana en québécois, soit avec le nom original Moana ? Les accents et les intonations ne sont pas les mêmes. Les doublages de film américain en québécois sont très répandus.

Alors film en québécois ou en français ?

Commençons par un peu d’histoire !  Le doublage québécois apparaît au début des années 50-60 avec notamment Robin des Bois. La France métropolitaine voit tout cela comme une concurrence de la part des québécois. Alors en 1961, la France a fait un décret stipulant que tous les doublages français doivent être réalisés en France. Problème : cela coûte cher ! Eh oui, les doubleurs québécois devaient aller en France, ils étaient logés, nourris, blanchis, ils faisaient le doublage pour ensuite repartir chez eux ! Cela faisait dépenser beaucoup d’argent aux sociétés de doublages françaises métropolitaines qui finançaient toute cette histoire. Face à cela, le Québec veut faire ses preuves dans le doublage. La solution de secours apparaît avec la télévision et notamment le monde merveilleux des séries étasuniennes. Étant un voisin, le Québec récupère pratiquement instantanément les productions pour ensuite les doubler. Les sorties se font donc plus vite qu’en Métropole. Le coût était par conséquent moins important ; voilà pourquoi dans les années 50, les métropolitains ont pu voir passer, bien assis devant leur télévision, des séries avec un doublage québécois. Il y a, alors, un gros conflit opposant le Québec et la métropole française ! Les années 80 sont semblables à des années libératrices pour le Québec qui se libèrent de maintes obligations qu’avait imposé la France. Résultat : maintenant, près de 75 % des québécois préfèrent des émissions et des films doublés par leurs compatriotes au lieu de les regarder en anglais ou en français. Le français québécois s’est donc très bien maintenu (même si ce n’est pas le français DE France). 

            Musique, Cinéma ! Tout cela est très artistique ! Mais il existe un dernier moyen qui permet de maintenir le lien précieux de la francophonie : nous ! Pas nous directement, mais les étudiants. Les universités au Québec sont très prisées, les jeunes métropolitains rêvent de partir là-bas. Pourquoi ? La culture, une manière d’être en société et probablement le voisinage états-unien ! Le Québec, étant une ancienne colonie française, conserve des liens avec la France et notamment dans les échanges étudiants. Grâce à cette entente, les étudiants français souhaitant s’inscrire dans une école québécoise bénéficient d’une réduction monétaire par rapport aux autres étudiants venant d’un autre pays. Les jeunes étudiants français peuvent avoir une scolarité de 5 858 $ soit environ 4 000 euros, sans  aucune restriction sur les programmes proposés tandis que les autres étudiants étrangers ne bénéficient pas de la totalité des programmes et cela pour un coût maximal de 19 199 $ soit environ 13 000 euros. Grâce à cette réduction plus qu’appréciable, plusieurs étudiants ont la possibilité d’aller faire des études dans ce pays aux hivers glaciaux.

            Le Québec, malgré sa petite taille face en comparaison de l’ensemble du Canada, arrive à maintenir sa langue maternelle sans se laisser « piétiner » par l’anglais, lequel prend cependant une place de plus en plus conséquente dans la vie des jeunes québécois. Toutefois, les habitants du Québec sont fiers de leur langue et compte bien la maintenir.

Noémie Abrousse